Trail&CO

dimanche 30 avril 2017

Mon 1er trail long : 50km sur les Terrasses du Lodévois

Par où commencer ? Je ne sais même pas. Comment vous retranscrire toutes les émotions qui m'ont submergées pendant la course ? Comment vous faire voire toute la beauté et la diversité des paysages traversés ? L'ambiance, le soutien que j'ai eu ? Je pourrais philosopher pendant tout un roman avec tout ce que j'ai à dire... mais je vais tâcher d'être brève. Du moins, autant que je le peux. Parce qu'une première expérience sur le long, ça marque. Ca nous change même. C'est une évolution. Une évolution vers autre chose. Un autre rythme, une autre vision du sport, où l'expression "dépassement de soi" prend toute sa valeur. Où la moindre petite pensée négative peut venir cacher la machine. Où le temps n'a plus d'importance. Seuls les kilomètres et le dénivelé comptent. C'est sur ce type d'épreuve que le mental prend une place inconsidérable. Le mental et l'envie de franchir un cap, d'abattre une barrière, de repousser ses limites et de se montrer qu'on est capable.

UN VOYAGE AVEC SOI MÊME
C'est une journée qui commence tôt, 4h pour être exact. Aucune difficulté à me lever, j'attends cet évènement depuis si longtemps. Je m'y suis préparée, et malgré trois semaines de maladie je me sens bien. Bien physiquement mais mentalement... je suis aussi stressée que le jour de ma soutenance de thèse ! Je me demande toujours pourquoi l'on se met dans des états pareils ? Un examen, si l'on échoue, il se passe généralement une année avant de pouvoir le repasser. Mais un trail... il ne s'agit là que d'un loisir, un sport, un moment de détente. Et si l'on échoue, le calendrier regorge de courses en tout genre. Il sera donc aisé de recommencer sans trop attendre.

Oui, mais. Si ce n'était pas un simple sport.
Pas un simple loisir. Finalement, il faut y être, il faut le vivre pour comprendre. Là-bas, sur les sentiers, ce sont des heures et des heures de discussion avec soi même qui occupe le temps et l'esprit. Et passer autant de temps seul avec son reflet, fait surgir des choses qui étaient enfuies, des choses que l'on ne devinait même pas. On se découvre des capacités que l'on pensait impossible. Une force d'esprit que l'on n'imaginait pas non plus.

C'est pour ça qu'on court. Le trail-running peut dévoiler les meilleurs aspects de notre personnalité. 

Tandis que j'engloutis un petit déjeuner copieux, je regarde les vidéos des années précédentes. Comme si je cherchais à être rassurée. Mais les récits et vidéos, bien que magnifiques, laissent clairement entrevoir la difficulté du jour. Un trail technique et sauvage, réputé dans la région. C'est pourtant dans cet endroit que je m'y retrouve le plus. Après avoir couru et tant apprécié le 15km et le 27km, il était évident que mon premier trail long aurait lieu au Trail des Terrasses du Lodévois.
Les affaires prêtes depuis plusieurs jours, il ne me reste plus qu'à m'habiller, à digérer tranquillement et à réveiller mon cher et tendre qui s'occupera de mon assistance toute cette journée. Puis direction Lodève dans un premier temps, où je récupère mon dossard.

Dossard 109 : c'est moi
Des têtes connues sont là, les amis du club que nous proposons d'emmener jusqu'au départ qui a lieu cette année à Pégairolles-de-l'Escalette. C'est en arrivant sur le site, en apercevant les 238 autres coureurs que mon coeur s'emballe et que le stresse m'envahit. Difficile de rester calme. Difficile de rester sur place, je file trottiner et prendre quelques photos. Une seule question occupe mon esprit : vais-je franchir la ligne d'arrivée ? 47km plus de 2500mD+ n'est pas donné à n'importe qui. Il y a également des barrières horaires à respecter, alors il ne faut pas trop traîner. Rien à voir avec des trails plus courts, où tous les niveaux sont représentés.

Ici je sens bien que ma place est à l'arrière du peloton, peloton constitué dans la grande majorité par des coureurs spécialisés dans ces grandes distances.

8h, le départ est donné (Alt. 316m). Et malgré les avions de chasse partis devant, les traileurs qui m'entourent semblent partir prudemment. J'en prends bonne note et pars moi aussi doucement. La journée va être longue. Et tant mieux car les choses sérieuses commencent directement : 500mD+ sur 5km. Tout va bien, je marche assez vite et la pente est parfaite pour moi. Les mollets et les cuisses ne râlent pas, le coeur trouve son petit rythme, et je file vers le plateau au niveau de la Chapelle Saint Vincent (Alt. 826m). Il fait frais, mais beau. La météo nous offre aujourd'hui d'époustouflants panoramas sur la vallée de Lodève et les hauts plateaux autour.
De la forêt, nous passons à des zones plus rocheuses, puis à de grandes prairies marquant la fin de la première difficulté. 
Je m'attends maintenant à redescendre dans la vallée, comme indiqué dans le profil de la course. Une descente où je vais pouvoir courir, relancer. C'était sans compter sur la partie technique à venir... entre varappe et via ferrata. Une petite note ludique et sauvage made by Spiridon Club (les organisateurs).

LE TRAIL LE PLUS SAUVAGE DU LANGUEDOC
Je cours quand tout à coup j'aperçois un bouchon monstrueux. Des dizaines de coureurs qui attendent, là, dans la joie et la bonne humeur, face à un panorama des plus merveilleux. Mais ce n'est pas pour ce dernier que la course est à l'arrêt. Plutôt pour ce qu'il y a 10m plus bas. Une sorte de crevasse à longer puis à descendre. Tout est très bien équipé, avec des cordes (des tuyaux à incendies plus exactement) et des échelles. Mais forcément, c'est un par un qu'il faut franchir l'obstacle et certains coureurs ne sont pas rassurés. C'est en patientant que je découvre juste devant moi un coureur du SMA que je ne connais pas encore. Marc.

Il gagne à être connu, il est d'une gentillesse incroyable et me chante même une chanson !
Juste derrière moi, c'est Marie, une traileuse expérimentée qui fait aussi partie du groupe Trail Entre Elles. Ensemble nous partageons 20min très agréables où nous oublions presque que la route est encore longue. Aller, ça y est, cette fois c'est à moi ! Aucune difficulté à descendre, mais la suite est encore très escarpée, et je ne suis pas prête de recourir...
Passage vertigineux et rochers à escalader sont le minimum requis pour accéder à la trace fraîchement crée (pour la course) qui nous permet de redescendre dans la vallée. Une petite trace au fond d'un vallon très raide. Je suis sans voix. C'est grandiose ! Pour une amoureuse de la nature comme moi, se retrouver ici, c'est magique.

Le sol est souple, recouvert de feuilles, la terre est fraîche, l'environnement à la fois végétal et minéral me transporte carrément sur un autre continent.
J'adore. C'est exactement pour des instants pareils que nous, traileurs passionnés de nature, sommes là. Mais la pente est raide, il faut rester vigilant. Le sentier s'humidifie, la terre devient boue, et quelques glissades auront lieu ici.

Je ne regarde même pas le chrono, j'ai d'abord l'impression qu'il y a 3 kilomètres d'écart avec le profil que j'ai consulté, et puis jusqu'à maintenant (km 10), le parcours était tel que j'ai mis 2h, sans courir beaucoup je dois bien l'avouer. Et ce n'est pas prêt de s'arranger avec ce nouveau passage que l'on découvre juste devant nous : une fois la route traversée (par un petit tunnel juste en dessous), on descend une zone pierreuse et extrêmement glissante qui est équipée de cordes.

Mes cuisses commencent déjà à fatiguer, alors que je n'en suis qu'à 1/4 de la course... Les descentes sont finalement plus intenses que les montées.
Aller, je ne me laisse pas abattre, le chemin vers l'arrivée est encore long, et j'arrive au ravitaillement du Pas de l'Escalette où je retrouve avec soulagement Yannick (mon mari), Coco (une amie) et sa fille Emy. Qu'est ce que ça fait du bien ! Fred, un ami, est aussi là. Concrètement, j'en suis au Km 11 (déjà 1000mD+), et normalement, j'attaque à partir de maintenant une portion plus... roulante.

LE LARZAC, ENTRE PLATEAU ARIDE ET FORÊT VERDOYANTE
7km avant de voir ma folle troupe de supporteurs. Aller, je peux le faire ! C'est un peu moins technique ici, mais sur ce plateau dominé de roches uniformes, ça monte et ça descend sans cesse, difficile de relancer. Petit bémol, les coureurs du 27km commencent à nous rattraper et à doubler...

Les 15 premiers dans un silence et un snobisme qui me glace le sang.
Puis heureusement, les suivants et suivantes se démarquent par des encouragements et des petites tapes dans le dos qui me réconfortent un peu. J'ai même droit à une petite fessée ! Ah ben lui, je le connais, Dom, raideur-orienteur (son récit ici du 27km) ; je suis bien contente de la voir ici ! Je croise quelques têtes connues, Caro qui fera une excellente place, la troupe Taill'Aventure et bien sur quelques uns de mon club. D'ailleurs, Damien, qui vient tout juste d'être papa, m'accompagne sur plusieurs kilomètres, qu'il est gentil ! Ca m'occupe, on papote, il m'attend.

KM 18, D+1150m, 3h39, Grotte de Labeil
3h39 ! Du jamais vu. Bon, ce début de course était bien technique, je suis excusée non ? Petite "pause" ludique, c'est un classique sur cette course, la traversée de la grotte de Labeil. J'adore le passage au dessus de la rivière souterraine, mais pour ce qui est de la suite, j'avoue être déjà bien fatiguée pour en profite. 1er ravitaillement solide. Ca fait du bien. Je retrouve mes supporters, ils sont géniaux et me remotivent à chaque fois. Heureusement car cette fois ci, je ne les reverrai que 8km plus tard.
Ca monte encore jusqu'au temple bouddhiste (km 22), dans une magnifique forêt de pin, et en arrivant... quel spectacle ! Je me sens bien, quelques personnes courent avec moi mais je suis seule dans ma tête et me tiens des monologues tous plus fous les uns que les autres. Il faut bien s'occuper...  Mais à ce moment, les jambes vont encore pas trop mal, c'est tellement hallucinant de passer au milieu d'un temple pareil, que j'en oublie la fatigue. Très vite, ça descend. Ouf, enfin une descente où je peux lâcher un peu les jambes. Le paysage change du tout au tout, on retrouve ici les verts champs d'Aveyron.

Roqueronde, ici commence ma longue et difficile traversée du larzac en solitaire...
Bon, nous y voilà, ça remonte. Jusqu'au plateau de l'Escandorgue. Et je suis seule. Très seule. Le prochain ravitaillement est à nouveau près de la grotte de Labeil, et je connais à peu près cette portion... je n'y suis pas encore... Je peine à garder des pensées positives, je suis crevée, je ne peux plus relancer sur les portions roulantes. Je fais ce que je peux, c'est à dire j'alterne marche et course dès que ça redescend un peu.
Un coureur me rattrape, quel bonheur ! On échange, pour lui aussi c'est son 1er trail long. Et pour lui aussi c'est difficile. En discutant, il m'informe d'une chose que je ne savais pas... Nous sommes derniers ! QUOI ? Mais non, il y avait d'autres coureurs derrière moi !! Oui, peut-être, mais la barrière horaire au temple a été sans pitié : de nombreux participants ont été stoppés.
Etre dans le dur et apprendre que je suis dans les derniers, ça me démoralise et je sombre dans des pensées très noires.
La portion suivante, en balcon sur les falaises du cirque de Labeil, est longue, je n'en vois pas le bout. Je laisse partir le coureur devant, finalement je préfère ruminer seule. J'envoie un message à Yannick, je n'y arriverai pas. Je lis les messages de mes parents. Je pleure. Je mange et je bois aussi. Quitte à marcher, autant que ça serve à quelque chose...
Et puis dans la forêt, qui j'aperçois ? Yannick ! Il vient de faire 3km pour venir me chercher. Il court avec moi, et ça c'est génial je retrouve mes jambes !! Enfin des jambes qui ont fait 30km quoi. Il me félicite, me dit que ce que je fais c'est énorme et que peu importe ma place et mon chrono, ce qui compte c'est que je sois là et pas blessée. Ah, voilà le ravito et Coco et Emy sont là, quelle immense source de motivation ! Merci les filles !

RETOUR DANS LA VALLE : SE DEPASSER ENCORE PLUS
Je demande aux bénévoles la suite du parcours. "Ca descend jusqu'à Lauroux, 5km sur le sentiers balisé". Ok, si c'est le sentier balisé que je connais ça me va. Je repars alors, j'ai 1h pour faire 5km et ainsi passer avant la barrière horaire de Lauroux. EASY non ?
Vous savez, comme on dit, dans la vie tout ne se passe pas comme on voudrait. Le sentier est boueux, on (on est 4-5 coureurs) nous dit qu'on ne passera jamais la barrière horaire et en plus, le parcours ne passe pas du tout par le sentier, mais par un pierrier boueux et hyper technique. Tout est équipé avec des cordes, je passe là 45min de calvaire.

Je vois rouge, je ne suis pas arrivée jusque là pour qu'on m'arrête. Si je veux arrêter, j'arrête, mais pas moyen qu'on m'impose de le faire si je veux continuer !
A ce moment là, c'est un poil plus roulant, je donne toutes mes forces et j'accélère comme une malade, je ne m'alimente même plus, je prends des risques, ça glisse, je dégringole, je me relève, j'accélère encore plus. Yannick et Emy sont venus à ma rencontre, on donne un dernier coup d'accélérateur et hop, Lauroux en 0h59min...
Un des membres de l'organisation nous annonce que la barrière horaire ne sera pas aussi exigeante, et qu'on a le temps de passer. Ouf, une pression en moins et il reconnaît que le parcours était un peu plus exigeant que prévu. Enfin sur cette course, on sait pourquoi on vient, faut pas se plaindre après ;-)

Vient un point essentiel. Ai-je vraiment la force de continuer ? Je suis à Lauroux, Km 31, déjà 2250mD+ et il reste... 9km et quasi 500mD+. Un mur, très craint par les connaisseurs...
Alors que je n'y croyais plus, Yannick est en tenue, il m'entraîne avec lui et c'est parti ! Je ne peux pas expliquer mon sentiment à ce moment là. Dans ma tête j'ai eu comme un déclic, JE VAIS LE FAIRE !  3 coureurs grimpent aussi, mais ils sont plus en forme que moi et vont nous distancer. Je marche et m'aide des cordes installées pour la course. Je tire sur les bras, pousse sur les bâtons, m'arrête 15s pour respirer, et je repars.
Petit à petit, on voit le sommet et je relance sur les chemins en faux plat. C'est pas le moment de lâcher, encore 5km de descente et je pourrai dire que je suis finisheuse d'un trail de 50km ! Dans la descente, j'alterne un peu avec de la marche, et puis, 2km avant la fin, c'est Pierre qui est remonté pour finir avec moi, suivi de Thierry un peu plus loin. J'ai les larmes qui montent direct ! Ils sont en tongs mais courent à mes côtés et tous m'emmènent jusqu'au village.

Lodève, te voilà ! Quelques foulées sur le bitume, un petit coucou pour les photographes et ça y est !!! Je l'ai fini !!

Moi la fille qui ne court ni vite ni très longtemps je suis venue à bout de ces 50 bornes et de ces 2700m de dénivelé positif ! En 9h50 tout de même... Un exploit pour moi, où je me suis dépassée, où j'ai pris énormément de plaisir malgré les douleurs dans les jambes, malgré la fatigue générale. Des paysages incroyables, des passages techniques et ludiques comme j'aime, des accompagnateurs et des supporteurs qui m'ont porté sur toute le course et un face à face avec moi-même très instructif. Je ne pensais pas être aussi forte et persévérante. Alors non, la course ce n'est pas qu'un sport...

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