Trail&CO

dimanche 12 juillet 2020

TREK AU NEPAL (suite) : Le Tour des Annapurna (sous la neige) de Vincent


Suite de la websérie sur le trek au Népal de Vincent, un membre de la communauté Trail&CO. Au programme d'aujourd'hui : randonnée dans la neige. Vous êtes prêt pour un grand bain de fraîcheur ? C'est parti !

13 mars 2020 : Jour 5 - Dhukur Pokhari (3200m) à Ngawal (3600m)

Changement de décor ce matin : le ciel est bas, une ambiance d'hiver qui tranche avec le ciel azur et les sommets éclatants de la veille. Nous marchons dans une vallée large et assez plate, une rivière coule au milieu. Nous quittons la piste large pour emprunter un chemin plus étroit et nous élever petit à petit vers le village de Pisang.


Dans cette grisaille, les dorures d'un temple se détachent au-dessus de nos têtes. De construction récente, c'est une grande pièce carrée, couverte du sol au plafond de peintures, le plafond et son mandala, les piliers et poutres sont sculptés, tout est très coloré. Au fond, trois grandes vitrines avec différentes représentations du Bouddha et photos du Dalaï Lama. La gardienne des lieux vient à nous avec une sorte d'encensoir dans lequel se consument des branches de ce qui ressemble à du cyprès. Bhakta nous livre alors des explications sur les différents éléments du temple. La fumée envahie la pièce, donnant à cet instant un aspect totalement mystique.

La suite du parcours est plutôt plate jusqu’à la montée vers Gyaru. 300m de dénivelé positif, en pente plutôt douce, ça ne paraît pas énorme comme ça mais à plus de 3000m d'altitude on le sent bien passer ! Le souffle est court, les cuisses brûlent vite. Nous adoptons une petite foulée tranquille et nous ne parlons que peu.

La neige commence à tomber, de plus en plus fort. Sur notre chemin, le village perché de Gyaru est le bienvenu pour nous mettre à l'abri d’un petit restaurant et nous rassasier d'un très bon riz sauté et bien épicé. Quelques autres marcheurs sont là aussi, tout le monde essaye de se placer le plus proche possible du petit poêle au pied duquel sèche une bouse de yak, qui servira de carburant un peu plus tard. 

Nous croisons peu de monde sur les chemins et dans les lodges, la saison démarre à peine, ce n’est pas pour me déplaire ! Je suis assez surpris que nos guides ne mangent pas avec nous, ils nous servent et attendent que nous ayons terminé le repas pour se mettre à table.

La brume laisse parfois entrevoir la vallée. Lorsque nous nous remettons en marche, la neige a cessé, avant de se remettre à tomber juste avant Ngawal, notre refuge pour la nuit. Nous avons fait une quinzaine de km aujourd’hui. 


Sortie de Gyaru direction Ngawal

Nous posons nos sacs au lodge mais pas le temps de nous reposer, Bhakta nous conseille de monter au Bouddha qui se trouve juste au-dessus du village, à flanc de montagne, pour parfaire notre acclimatation à l'altitude. 

C’est ce que j’appellerai par la suite la marche d’acclimatation : il se dit qu'il vaut mieux toujours dormir plus bas que le point le plus haut de la journée.

Alors nous voilà partis pour une montée d'escaliers usante et fraîche (il neige toujours) jusqu'au Bouddha, chacun à son rythme. J-C, Erwan et Marion montent rapidement mais je préfère avec Rémi opter pour une progression lente forcée, ça tape un peu dans la tête. Smahane et Sara sont derrière, ce sont elles qui souffrent le plus de l’altitude. Nous allons même un peu plus haut jusqu’à un chörten, mais pour la vue on reviendra tellement c'est blanc !

Le lodge de cette nuit est vraiment pas mal, surtout que la chambre que je partage avec Rémi est au-dessus de la salle commune, seule pièce chauffée du bâtiment. Malheureusement nous nous rendons compte très vite que malgré cet avantage, nos affaires vont prendre l’odeur de fumée qui s’échappe d’en dessous... J'espérais pouvoir profiter d’une douche chaude, qui commence à être nécessaire… mais ça ne sera pas encore pour ce soir, j’abandonne quand je sens la température redescendre très rapidement ! Ce sera au gant, avec un filet d’eau comme les autres fois. A l'heure de se coucher, il neige encore abondamment… est ce que l’on va pouvoir marcher demain ? Je ne suis pas vraiment équipé pour affronter des journées de neige.

 

14 mars 2020 : Jour 6 - Ngawal (3600m) à Manang (3500m)


Au lever à Ngawal, bonne nouvelle, il fait beau ! Il y a une bonne couche de neige au sol et avec le ciel bleu ça rend la vallée qui s'ouvre devant nous vraiment magnifique. Je suis subjugué par ces paysages. C'est un régal d'être là sous un soleil radieux, contemplant ces sommets tous plus hauts les uns que les autres : Annapurna IV (7525m), Annapurna III (7555m), Gangapurna (7455m), et tout au fond le Tilicho (7134m) au bout d'une muraille de glace qui me ramène dans Game of Thrones. Aujourd'hui est une étape courte d'acclimatation avant de commencer plus sérieusement à grimper. Je me sens bien, comme tout le monde je crois. Les étapes ne sont pas difficiles en soi, c’est l’altitude qui corse la chose petit à petit.


Tout à coup, lors d'une pause dans un petit village qui abrite un grand monastère (que l'on ne verra malheureusement que de loin), une avalanche se produit sur le sommet qui nous fait face.

Nous sommes loin, heureusement, hors de tout danger, mais c'est impressionnant ! A partir de là, nous suivons la piste enneigée qui mène à Manang. Ce n'est pas très agréable, alors je me concentre sur les paysages grandioses qui m'entourent. Le groupe est étalé : certains tracent devant, d’autres vont plus tranquillement. 


Arrivée à Manang, 3500m d'altitude, après 3h30 de marche.


C'est un gros village (plus de 600 habitants !), le dernier de la vallée. On trouve (presque) tout ici, et même une pâtisserie ; les divers gâteaux à la pomme et les biscuits de cacahuètes feront notre plus grand plaisir ! Avant qu'il ne se remette à neiger, nous avons le temps de faire un tour pour découvrir un beau stupa, quasiment la seule note colorée au milieu des maisons de pierre. C’est un édifice religieux bouddhiste, carré, avec un toit qui forme un dôme surmonté d’une pointe. C’est la version plus grande du chörten. Il est principalement blanc comme tous ceux que j’ai vu au Népal, décoré de couleurs vives sur la partie basse et de dorures. La porte est magnifique, très colorée, peinte et sculptée de mille détails. Dommage qu’on ne puisse pas entrer voir ce qu’il cache à l’intérieur.

 

L’hôtel où nous posons nos sacs est grand et bien rempli. Les chambres sont assez grandes, avec deux lits comme toujours, mais ici chacune a sa petite salle de bain, c’est grand luxe ! Je m’empresse de tenter la douche mais malheureusement pas d’eau chaude encore une fois ! J’apprends un peu plus tard qu’il y en a dans la douche du couloir qui dispose d’un chauffeur à gaz indépendant. Il ne faut pas m’en dire plus et je me régale de ces quelques minutes de tiédeur, je me sens propre !


Ce soir c'est momos en apéro, végétariens et au yak. Le momo, c'est un autre classique de la cuisine népalaise, il y a des restaurants qui ne font que ça. C'est un gros ravioli, fourré, cuit à la vapeur. C'est bon et ça rempli bien ! La soirée se passe comme chaque jour, dans la salle commune, entre livres, parties de cartes et discussions entre nous et avec d’autres marcheurs, plus nombreux ici que dans les autres villages étapes.



15 mars 2020 : Jour 7 - Manang (3500m) à Letdar (4200m)


Ce matin, mauvaises nouvelles... Il fait encore mauvais au réveil… surtout dans la direction où nous devons aller. Bhakta nous annonce qu’il préfère différer le départ, peut être au lendemain. Il nous apprend également que personne ne s'est rendu au lac Tilicho (4200m) cette année et, avec les chutes de neige, le chemin est probablement glacé et trop dangereux, nous n'irons donc pas. Le moral est au plus bas. Et que va-t-on faire toute la journée à Manang ?

Une heure plus tard, le ciel commence enfin à s'ouvrir, du bleu apparaît, les groupes de randonneurs partent les uns après les autres et Bhakta nous demande enfin de préparer nos affaires !


Nous reprenons ainsi la marche, heureux, dans un environnement de plus en plus blanc, de plus en plus sauvage. La vallée se resserre peu à peu et nous montons, ce n'est pas très raide mais en pente constante. C'est agréable, il ne fait pas vraiment froid, le décor est toujours grandiose, tout est réuni pour profiter pleinement. Et puis tout à coup, alors qu’on se dit que ça ne pourrait pas être plus magique, deux bouquetins apparaissent sur le flan de la vallée à notre gauche. Deux superbes bêtes avec leurs longues cornes courbées vers l'arrière ! Ils se déplacent lentement dans la neige au-dessus de nous, à une dizaine de mètres à peine puis s'éloignent tout aussi lentement qu'ils sont arrivés. Un peu plus haut, nous rencontrons aussi nos premiers yaks. La plupart des népalais sont végétariens et la viande de bœuf n'est pas consommée ici, l’animal est sacré comme en Inde. Après la pause du midi nous chaussons des crampons pour faciliter la progression, ça commence à être bien glissant !


Nous arrivons à Letdar (4200m) après seulement 12km mais 5h épuisantes.

La marche d'acclimatation est très difficile, nous montons droit dans la pente derrière le lodge, de la neige jusqu'aux genoux (merci les guêtres !), ça tape dans la tête, mais la vue en haut sur la vallée et l'Annapurna III est splendide et le cadre idéal pour quelques photos, les sourires sont toujours là ! On commence à sentir la fatigue chez certains. Erwan se sent mal d’un coup, il va s’allonger un moment et ne mange quasiment pas. J’espère que ça va aller, le plus dur reste à faire… Après le traditionnel dal bhat, nous ne tardons pas à filer dans nos duvets, il fait vraiment froid. Nous jetons tout de même un rapide coup d’œil au majestueux ciel étoilé au-dessus de nos têtes, un spectacle de toute beauté.



16 mars 2020 : Jour 8 - Letdar (4200m) à Thorong High Camp (4800m)


Au matin, surprise, les gourdes sont gelées ! Il faut dire que ce n’est pas la petite planche qui sert de mur qui isole grand-chose… Heureusement il fait encore un temps magnifique ce matin, les rayons du soleil nous réchauffent et font du bien, la journée va être difficile mais surement agréable si la météo se maintient ! Je me sens bien, au réveil la tête ne fait pas encore mal. 

Quelques-uns ont un peu plus de mal à se mettre en route le matin.

Je suis le seul du groupe à prendre des granules homéopathiques de coca matin et soir depuis le départ, c’est la seule aide que l’on m’a indiquée pour l’altitude, et ça semble fonctionner. En tout cas pour le moment je me sens mieux que lors de mes précédents treks en altitude, au Pérou notamment où j’avais été bien mal. Quand le mal aigüe des montagnes se fait vraiment sentir il y a des médicaments comme le Diamox, mais les effets secondaires peuvent être perturbant, je ne l’utiliserai qu’en dernier recours.

Briefing spécial ce matin : Bhakta nous annonce un passage délicat sur le parcours aujourd'hui, une zone de chute de pierres où l'on devra marcher par deux et surtout ne pas traîner.

Sacs sur les épaules, nous entamons la randonnée. Toujours ces paysages grandioses autour de nous. Je ne m'en lasse pas. Nous avançons pour le moment au frais, à l'ombre du Chulu peak (6584m), mais nous ne tardons pas à traverser un pont qui nous emmène de l’autre côté de la vallée pour ainsi profiter du soleil. D’ailleurs, il fait rapidement très chaud ! Nous ne sommes pas les premiers de la journée et la trace est donc faite devant nous, ce qui rend la progression plutôt facile. Pourtant, nous croisons régulièrement des petits groupes qui rebroussent chemin. Des rumeurs courent comme quoi il y a trop de neige pour passer le col. Nous craignons le pire pour la suite…

(...) je lève la tête pour admirer les environs et là, au-dessus, j'aperçois un groupe d'isards

Nous arrivons au passage délicat. Les bords du chemin ont été renforcés pour ne pas s'effondrer sous les chutes de pierre. Dans la pente, plus bas, il y a des empreintes de pierres qui ont roulées. J'active le pas lorsque je suis à découvert et avec la montée l'exercice n'est pas facile à plus de 4000m ! Alors que je reprends mon souffle une fois en lieu « sûr », je lève la tête pour admirer les environs et là, au-dessus, j'aperçois un groupe d'isards. Ils sont six, ils broutent tranquillement les quelques plantes qui dépassent de la neige. Encore un moment magique qui nous fait d’ailleurs oublier ce passage dangereux que nous venons de franchir avec succès ! Le groupe se reforme, tout le monde va bien et on continue notre lente progression sur le chemin du col, que nous franchirons demain.

A midi, nous faisons une pause bien méritée (et tant attendue) à Thorong Phedi (4540m).

Je suis assez impressionné par la taille de ce camp, ou plutôt lodge (tout est construit en dur), je ne m’y attendais pas à si haute altitude. Il faut dire que celui-ci et celui juste au-dessus où nous dormirons ce soir sont les étapes obligées avant de franchir le col. Après ce repas, la dernière montée vers Thorong High Camp est rude. Il y a toujours beaucoup de neige, nous faisons de petits virages pour ne pas affronter la pente de face et pour avoir une meilleure adhérence. Il me faut quasiment 1h30 pour monter les 340m jusqu'au camp.

 

Arrivée au camp après 4h de marche et seulement 8km parcourus !


De là-haut, en se retournant la vue est époustouflante. On ne voit plus le fond de vallée, seulement de la neige, des barres rocheuses et tous ces pics qui se découpent sur notre horizon. Une fois les sacs posés, nous prenons le chemin du col pour la marche d'acclimatation, vraiment terrible mais la récompense est encore là, plus on s'élève plus c'est beau !


Plus petit que celui d’en dessous, ce lodge peut quand même accueillir du monde, peut-être 80 randonneurs en plus des guides et porteurs. Tout est en dur ici aussi, il y a de la neige partout entre les différents petits bâtiments qui forment le camp, plusieurs grandes salles communes, mais nous sommes peu nombreux. Dès que le soleil se cache derrière les montagnes qui nous encerclent, la température descend d'un coup, et les places autour du poêle sont chères...


Ce soir c’est Marion qui ne se sent pas bien. Baisse de tension, pas d’appétit. Elle me dit qu’à priori c’est l’effort et le soleil qui lui font ça, ça passera. Les corps commencent à fatiguer et luttent contre le froid, les deux dernières étapes ont été fatigantes, l’altitude n’aide pas… Pas de partie de cartes ce soir, après le traditionnel dal bhat tout le monde retourne préparer ses affaires pour le lendemain et se mettre au chaud dans le duvet.

 

Au chaud, façon de parler ! Malgré un très bon duvet que l’on m’a prêté, j’ai du mal à trouver le sommeil tous les soirs, j’ai d’abord froid puis souvent trop chaud pendant la nuit. Je dors en partie habillé, je ne sais pas si c’est la meilleure technique, mais j’ai trop d’appréhension de me transformer en glaçon si je me mets tout nu là-dedans !



La suite au prochain RDV ! Je vous dis à la semaine prochaine pour la suite (et fin) de l'aventure de Vincent dans l'Himalaya. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à les poster sous cet article, nous y répondrons au plus vite.


A bientôt,

Fanny

2 commentaires:

  1. ouah ça fait tout de même rêver. presque envie d'hivers et de neige en plein mois de juillet

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    1. Tellement d'accord ! Toute cette neige donne un côté féerique et plus sauvage, c'est superbe :-)

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